Dans ce sixième épisode du « Son Des Territoires », le podcast de l’Institut Terram, Victor Delage reçoit Raphaël LLorca, auteur de l’étude L’imaginaire territorial des marques.
Ensemble, ils explorent ce que recouvre la notion d’« imaginaire territorial » – un sujet à la croisée de la communication, de la sociologie et de la politique – et la manière dont les marques participent à la construction de ces représentations. On connaît tous ces marques qui évoquent instantanément des régions ou des lieux précis : des produits qui incarnent un paysage, un savoir-faire ou une culture locale. Mais au-delà des slogans et des images, ces marques jouent un rôle bien plus profond. Elles façonnent notre perception des territoires, influencent nos choix de consommation, et participent à la valorisation économique et culturelle de certaines régions. Le territoire, en tant qu’ancrage de sens et d’identité, devient un atout stratégique pour les marques. Dans un monde où l’authenticité, le local, et la proximité sont des valeurs centrales, les entreprises se tournent de plus en plus vers ces imaginaires territoriaux pour établir une connexion forte avec leurs publics. Mais quels sont les opportunités et les risques de cette tendance ? Et surtout, quel impact cela a-t-il sur nos territoires eux-mêmes ?
Pour Raphaël LLorca, ces dernières années, les références au « local », au « terroir » et à « l’ancrage territorial » sont devenues omniprésentes dans le discours de l’écrasante majorité des marques commerciales, tous secteurs confondus : de la grande distribution aux assureurs, des banques aux chaînes de fast-food, des distributeurs de gaz aux entreprises de jeux à gratter, tout le monde s’est mis à parler de territoires. C’était autrefois une figure libre, que certaines marques décidaient d’interpréter aux côtés d’autres thématiques (le social, l’environnement, etc.) ; aujourd’hui, c’est devenu une sorte de figure imposée.
Raphaël LLorca estime que c’est parce que la question territoriale est devenue centrale et que les politiques échouaient à y apporter des réponses que les marques ont cherché à s’y investir, sur le plan des représentations. On a là l’illustration du nouvel entrelacement entre acteurs marchands et la Cité : à l’ère du « capitalisme politique », les marques positionnent de plus en plus leurs discours en creux de ceux du Politique, pour à la fois en intégrer la force symbolique (« changer la vie ») et promettre d’en combler les faiblesses ou les manquements. C’est un tournant important dans l’histoire économique et politique contemporaine.
Raphaël LLorca, L’imaginaire territorial des marques, Institut Terram, Fondation Jean-Jaurès, octobre 2024.