Très petites entreprises : ces amies qui veulent du bien aux territoires

Qui se cachent derrière les TPE ? Quels sont leurs modèles écono‐ miques ? Que représentent-elles économiquement pour les territoires ? C’est à cette série de questions que s’est attelé Nicolas Portier, ex-délégué général d’Intercommunalités de France, aujourd’hui consultant indépendant et professeur à l’école urbaine de Sciences Po, dans cette étude publiée par l’Institut Terram.

Pour réaliser ce travail, il lui a déjà fallu faire le tri dans les statistiques nationales qui mettent trop souvent dans le même sac les micro-entreprises (non pourvoyeuses d’emplois autres que celui du créateur) et les TPE employant de 1 à 9 salariés. Une fois ce démêlage réalisé, il apparaît que les TPE concernent particulièrement certains secteurs – bâtiment, artisanat, commerce, hôtellerie-restauration, etc. – « très connectés à l’économie de proximité, dite ‘présentielle’, centrée sur la consommation locale », précise l’auteur. Dynamiques, résilientes et douées… d’ubiquité.

Autre point fort des TPE, leur ubiquité : elles sont présentes sur tous les territoires des ruralités aux métropoles avec même un poids relatif dans l’économie plus important dans les territoires moins peuplés. Résilientes pendant les crises (Covid-19, guerre en Ukraine, inflation, etc.), les TPE jouent, explique Nicolas Portier, « un rôle de couche protectrice pour les économies locales et contribuent à amortir les chocs des crises ».

Si elles n’accueillent qu’un cinquième de l’emploi salarié en France, « leur contribution à la création d’emplois (en solde net) est en proportion beaucoup plus intense ». En clair, même si leur part dans le stock d’emplois salariés ne paraît pas très important, elles créent souvent et partout des emplois en petit nombre et sont donc très performantes dans le flux de création d’emplois. Des modèles économiques divers.

Mais ces TPE ont tout de même un talon d’Achille : la diversité de leurs modèles économiques qui les rend notamment difficiles à cerner par les pouvoirs publics nationaux et locaux. D’un côté les « gazelles », caractérisées par une croissance fulgurante de leur effectif et de leur chiffre d’affaire (celles qui sont valorisées au-delà du milliard d’euros sont appelées « licornes ») et qui ont vocation à changer rapidement de catégories ou à être absorbées par de grands groupes mais qui ne sont pas forcément légions ; de l’autre, les plus communes, « souris » à croissance lente et progressive mais mieux réparties sur le territoire. « Extrêmement hétérogènes, les TPE recouvrent des modèles économiques très contrastés. Nombre d’entre elles s’inscrivent dans un projet entrepreneurial autolimité, dont la vitesse de croisière est assez vite atteinte en termes d’effectifs », constate l’Institut Terram. Mieux accompagner la post-création et encourager le « clustering »

Pour autant, le think-tank estime que les politiques publiques ont tout intérêt à miser sur ces TPE. Dans la feuille de route dressée par Nicolas Portier, certaines mesures concernent en premier lieu l’État comme la création de statistiques dédiées aux TPE ou la décentralisation des mécanismes de soutien et d’accompagnement au niveau des collectivités locales (intercommunalités) et chambres consulaires « au vu de la granulométrie très fine des TPE ».

Les autres s’adressent aux élus locaux leur suggérant notamment d’intensifier leurs dispositifs de soutien en post-création pour « sécuriser » la croissance de leur TPE.

Au-delà des solutions foncières et immobilières souvent proposées, l’Institut Terram propose de compléter cette offre par des « bouquets de services mutualisés (transports, logistique, crèches et restaurants interentreprises, très haut débit…) et des réseaux d’entraide entre pairs ». Une manière de favoriser aussi « le clustering », la formation de grappes de TPE, qui ainsi réunies, pour‐ raient ensemble répondre aux enjeux communs de certification, de recrutement, de mise aux normes, etc. Déverrouiller la commande publique

Le « déverrouillage de l’accès à la commande publique » qui représente 300 milliards d’euros par an doit aussi être une priorité. Aujourd’hui, les TPE n’y ont que peu accès et ont tendance à s’en auto-exclure…

Enfin, Nicolas Portier estime que les collectivités doivent être capables de prendre en compte l’hétérogénéité des modèles de TPE sans se focaliser sur les licornes qui parfois relèvent du mirage. « Aider des dizaines de milliers de TPE à créer un ou deux emplois supplémentaires est tout aussi utile que de massifier des programmes de soutien public sur quelques centaines de pépites innovantes et de multiplier les appels à projets hypersélectifs » conclut-il.