Malgré l’arsenal réglementaire, Airbnb poursuit sa conquête des zones rurales

Huit communes françaises sur dix comptent au moins un logement proposé à la location sur Airbnb, constate l’Institut Terram dans sa dernière étude qui analyse pour la première fois les données de l’hébergeur américain en France. Et ce, alors qu’un arsenal réglementaire vise à redonner du pouvoir aux élus locaux.

La moitié des Français ont déjà réservé un séjour via le site Airbnb, créé aux États-Unis en 2008 et lancé dans l’Hexagone en 2012. Par ailleurs, 81 % des communes françaises comptent au moins un logement mis en location sur la plateforme (soit plus de 28 200 communes), contre seulement 15,6 % pour l’hôtellerie (environ 5 400 communes). Ces données, dévoilées ce mercredi par le centre de réflexion Terram en collaboration avec l’Ifop, mettent en évidence la domination de l’hébergeur en ligne sur le territoire français. En six ans, entre 2018 et 2024, le volume des réservations effectuées sur des plateformes telles qu’Airbnb, Booking ou Abritel a plus que doublé, « alors que celui de l’hôtellerie stagnait », précisent les auteurs de l’étude, Jérôme Fourquet, Sylvain Manternach et Chloé Tegny.

Une prévalence sur le littoral et dans les grandes métropoles

En une dizaine d’années, ces locations touristiques ont pris une ampleur considérable, avec une implantation cinq fois plus large que celle de l’hôtellerie traditionnelle. Le littoral demeure la destination la plus prisée (79 % des utilisateurs), suivi des grandes villes (72 %) et des villes moyennes (69 %). « Airbnb séduit avant tout pour ses prix plus abordables (43 %), la surface et le confort des logements (39 %) et la flexibilité des réservations », indique l’étude. « Près de 70 % des familles estiment que, sans la plateforme, leurs séjours leur coûteraient plus cher et seraient plus difficiles à organiser. »

Cette expansion, facilitée par un régime fiscal avantageux jusqu’en 2018, concerne également les territoires ruraux : deux communes de moins de 500 habitants sur trois disposent d’au moins une offre Airbnb. Elle s’accompagne d’une forme de « nouvelles géographies touristiques », notamment dans les massifs intermédiaires (Cévennes, Cantal), les zones viticoles (Alsace, Bordelais) ou certaines campagnes patrimoniales.

Un phénomène en partie distinct des résidences secondaires

Cette dynamique ne se superpose que partiellement à celle des résidences secondaires. « Certaines zones à forte densité de résidences secondaires (Creuse, Nièvre, Centre-Bretagne) génèrent peu de réservations, tandis que des zones à faible densité (vallée du Rhône, agglomérations, arrière-pays littoraux) montrent une activité intense. » « Ce contraste traduit deux logiques d’économie résidentielle : l’une basée sur la valorisation d’un patrimoine existant, l’autre sur la flexibilité d’usage du logement principal », soulignent les auteurs.

Cette disparité s’inscrit également dans un contexte de durcissement réglementaire depuis 2018, renforcé en 2024 par la loi Le Meur. Les élus locaux disposent désormais d’un arsenal élargi pour tenter d’endiguer le phénomène et préserver l’offre de logements destinée aux habitants, particulièrement dans les zones tendues.

Les maires serrent la vis

Certaines communes, comme Saint-Malo, ont engagé très tôt la riposte contre le modèle Airbnb. En plus de la possibilité de réduire la durée de location d’une résidence principale à 90 jours (contre 120 auparavant), plusieurs grandes villes, dont Lyon ou Marseille, appliquent ou envisagent d’appliquer un système de compensation : toute transformation d’un logement en location de courte durée devra être compensée par la mise sur le marché d’un bien équivalent en location longue durée.

À Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), un arrêté municipal impose depuis 2021 des quotas stricts par quartier. Les autorisations ne sont délivrées qu’aux personnes physiques, excluant ainsi les personnes morales (SCI, SAS…).

Dans les Alpes, le ton se durcit également. Depuis le 1er mai 2025, les propriétaires des quatre communes de Chamonix, Les Houches, Servoz et Vallorcine doivent enregistrer leur bien auprès de la collectivité afin d’obtenir une autorisation de location. Celle-ci est limitée à un seul logement par personne, pour trois ans renouvelables à Chamonix et aux Houches.

D’autres maires se montrent en revanche plus mesurés. À La Grande-Motte (Hérault), les 5 000 lits loués via des plateformes comme Airbnb représentent un tiers de la taxe de séjour (1,6 million d’euros par an), « ce qui n’est pas négligeable », souligne le maire (LR), Stéphan Rossignol. Il n’impose pour l’instant aucune limite du nombre de jours de location, expliquant que « les appartements de La Grande-Motte sont en majorité des studios-cabines, donc inadaptés à la location familiale à l’année ».

En définitive, c’est moins Airbnb en tant que tel que ses dérives qui sont pointées du doigt, notamment lorsque le modèle entre en concurrence avec l’hôtellerie — créatrice d’emplois et de valeur locale — ou avec les besoins des habitants. Reste que la plateforme continue de séduire, et son influence ne cesse de croître.