C’est à l’échelle de l’aire urbaine que l’on doit organiser la gouvernance territoriale

Dans une étude publiée par le nouveau think tank Terram, le géographe Jacques Lévy et l’expert des questions de mobilités Jean Coldefy proposent de diviser le nombre de communes par quatre et plaident en faveur d’une France à 900 “territoires locaux”. Une réflexion qui intervient alors que l’ancien ministre Éric Woerth s’apprête à remettre le rapport de sa mission “Décentralisation” à Emmanuel Macron. Extrait.

Le gouvernement local, aujourd’hui fondé sur des communes de tailles trop petites, induit une multiplication des lieux depouvoirs et des centres de coûts inefficaces, illégitimes, voire les deux à la fois. Cela entraîne en particulier une opacité de leur action, du fait que ces structures ne sont presque jamais établies à l’échelle des bassins de vie des habitants. La non-prise en compte de la conséquence des actions communales sur ses voisins conduit à l’affaiblissement du vivre ensemble par la spécialisation sociale, la crise du logement et la difficulté à décarboner les mobilités.

La tentation d’affaiblir les intercommunalités au profit d’un retour du pouvoir des maires ne serait qu’un retour en arrière qui aggraverait le problème. On confondrait demande de proximité avec pertinence des échelles de réflexion et d’action.Les maires seront demain plus efficaces et plus puissants parce qu’ils agiront à l’échelle des aires urbaines. Il faut substituer à terme des maires issus des aires urbaines qui auront bien plus de poids sur la marche de leur territoire à une multitude de maires agissant à des échelles trop restreintes. La proximité serait assurée par les maires actuels dans le cadre de budgets spécifiques pour gérer le cadre de vie et des actions purement locales.

Remettre l’habitant au centre est une priorité démocratique, et cela conduit naturellement à considérer son espace de vie, qui est celui de sa résidence et de son lieu de travail, c’est-à-dire celui de l’aire urbaine. C’est à cette échelle que l’on doit organiser la gouvernance territoriale au sein des régions constituées, ce qui n’est pas incompatible avec une gestion de proximité. Nous passerions ainsi de 46 225 structures communales à environ 900 gouvernements des villes, ce qui réconcilierait les bassins de vie des habitants avec les périmètres électoraux et permettrait de déployer des politiques plus efficaces, plus justes et plus lisibles. Cette transformation ne se fera pas par un renversement brutal mais par des évolutions progressives, éclairées par des instances indépendantes et par des incitations de l’État.

Nous avons pris du retard sur ces sujets en regard de nos voisins européens, mais déjà certains territoires en France ont compris l’enjeu et avancent. Il nous faut suivre la voie de ces pionniers et leur donner les moyens d’amplifier encore le chemin qu’ils tracent.