Une relation infructueuse entre écologie et villes moyennes, vraiment ?

L’Institut Terram et Project Tempo, une ONG spécialiste des questions environnementales, se sont associés dans le cadre d’une étude intitulée « Saisir les enjeux environnementaux par les territoires » parue le 27 juin. Ou plutôt, par les grandes villes et les zones rurales… Les habitants des villes intermédiaires y sont effectivement dépeints comme plus frileux à l’égard des politiques de transition environnementale que leurs homologues. Retour sur ce point étonnant, pour ne pas dire intriguant du rapport.

En escamotant de nombreux enjeux de fond lors de son discours Assises des Petites Villes de France, dont ceux de la transition écologique et énergétique, pourtant centraux, le Premier ministre, François Bayrou a-t-il pénalisé les communes de 2 500 à 25 000 habitants ? Voilà alors que vendredi 27 juin, l’Institut Terram, en collaboration avec Project Tempo, a publié une étude alertant sur le cas spécifique des villes intermédiaires. Le constat développé dans cette note est sans équivoque : un fossé serait en train de se creuser entre les collectivités de cette strate démographique et la gouvernance écologique nationale.

Réalisé lors de l’été 2024, le travail d’Antoine Bristielle, directeur France de l’ONG Project Tempo, met en lumière le sentiment, chez les habitants des villes moyennes, d’être éclipsés par les grandes métropoles, et d’être dans une sorte de trou noir de la transition écologique. Ni suffisamment dotées pour jouer un rôle moteur, ni éligibles aux dispositifs massifs consacrés aux zones rurales : elles subiraient la double peine.

Sentiment d’invisibilité

D’après le rapport, les villes moyennes affichent les niveaux de satisfaction les plus bas vis-à-vis de l’action publique : à peine 17 % de leurs résidents estiment que l’État a protégé et valorisé leur territoire, contre 23 % dans les métropoles et 25 % en milieu rural. Cette défiance, toujours selon l’étude, s’explique par des communes intermédiaires qui « cumulent les effets de l’invisibilisation politique et de la stagnation économique ».

Pour autant, Antoine Bristielle souligne que les habitants des villes de 20 000 à 100 000 âmes sont loin d’être réfractaires à l’idée de la planification écologique : 69 % d’entre eux jugent essentiel que la France mette en place une politique de lutte contre le dérèglement climatique, un pourcentage presque identique à celui de l’agglomération parisienne (71 %). Preuve que le sujet n’intéresserait pas uniquement les « bobos » et autres « néo-ruraux »… C’est lorsque les politiques se traduisent par des contraintes ou des coûts perçus que le soutien de la population s’effondre, révélant une ligne de fracture écologique davantage dans la mise en place des politiques publiques qu’en termes d’idéologie pure.

Tant que ce n’est pas gratuit, c’est trop cher ?

Afin d’évaluer la « tension entre adhésion de principe et acceptabilité concrète » des politiques environnementales, les sondés ont été questionnés sur différents scénarios, impliquant un « coût personnel » : « Si 71 % des Français soutiennent une politique écologique renforcée, ils ne sont plus que 51 % si cela implique une perte de pouvoir d’achat de 10 euros par mois, 41 % pour 25 euros et 32 % pour 100 euros. » Or, dans les villes moyennes, ils ne sont que 13 % à se dire prêts à consentir à un effort financier de cette ampleur, tandis que dans les villes de 100 000 résidents et plus, ce taux atteint 44 %. Étonnamment, ce niveau de résignation économique est plus important en zone rurale (26 %), comme quoi, à l’inverse, les « campagnards » ne seraient pas aussi rétifs à l’écologie que certains essayistes et responsables politiques le prétendent.

Le même schisme se reproduit sur la symbolique « voiture électrique » : 21 % seulement des citoyens de villes moyennes se disent prêts à abandonner la motorisation à essence, quand les Parisiens culminent à 39 %. Il en va de même lorsque l’étude interroge l’usage des transports en commun. 61 % des Français interrogés affirment qu’ils utiliseraient davantage les transports publics si l’offre s’améliorait. Mais cette moyenne cache une cassure très nette : dans la quasi-totalité des villes moyennes, le taux n’atteint pas ce niveau ; seules une trentaine de communes de plus de 5 400 habitants franchissent encore le seuil des 60 % de réponses favorables.

Aux yeux d’Antoine Bristielle, « ce phénomène illustre un paradoxe central des politiques de transition écologique » dans lequel « ce sont précisément les territoires où la dépendance à la voiture est la plus forte qui sont les moins dotés en solutions alternatives viables ». Pour le directeur France de Project Tempo, ce constat, qui freine le développement de réseaux de transports collectifs, s’explique par des « contraintes économiques structurelles, liées à la rentabilité, aux coûts d’exploitation et aux faibles densités de population ».

L’actualité (politique) confirme le constat…

« Perçue comme trop descendante », la structuration actuelle de l’action publique au niveau national a par ailleurs été récemment mise en échec et désavouée par les parlementaires, au-delà d’être critiquée par les habitants. La transition écologique dans les territoires a été amputée de plus de moitié en 2025 avec une grosse incertitude sur son maintien en 2026, l’Assemblée nationale a voté la suppression des « zones à faibles émissions » (ZFE) le 28 mai dernier, mesure pourtant emblématique des politiques d’amélioration de la qualité de l’air.