Transport : isolés, les jeunes ruraux se privent d’études supérieures et de culture, faute de solutions de mobilité

L’éloignement des centres urbains pèse sur les jeunes ruraux, qui passent en moyenne plus de 2h30 par jour dans les transports et se privent de culture ou d’études supérieures faute de mobilité.

L’étude publiée jeudi par l’Institut Terram et l’association Chemins d’avenirs s’intéresse aux jeunes des campagnes, longtemps hors des radars politiques et médiatiques mais qui représentent 26 % des 15-29 ans.

Près de la moitié (48 %) de ceux interrogés par l’Ifop souhaite rester à la campagne, alors que 41 % des jeunes urbains préfèrent rester en ville. Plus le niveau de vie est élevé, plus la volonté de rester est forte.

Mais « les kilomètres sont lourds de conséquences » sur leur quotidien, interpellent les auteurs.

Les 18 ans et plus issus de communes très peu denses passent ainsi en moyenne 2h37 par jour dans les transports, notamment pour étudier en ville, soit 42 minutes de plus que les jeunes urbains. Ces temps de transport s’ajoutent aux journées d’étude, ce qui réduit drastiquement leur temps libre pour d’autres activités, relèvent les auteurs.

À cela s’ajoute une offre de transports jugée insuffisante, puisque 53 % des jeunes ruraux s’estiment « mal desservis » par le bus, 62 % par le train. Cette carence entraîne une dépendance quotidienne à la voiture pour 69 % d’entre eux, faisant grimper à 528 euros leur budget « transports » mensuel, contre 307 euros pour les jeunes urbains.

Pour les jeunes ruraux, l’enjeu est avant tout de « pouvoir bouger », souligne l’étude, rappelant que les trajets, « lorsqu’ils sont contraints pour des raisons économiques ou d’accès difficile aux transports, leur ferment les portes une à une ». « Lorsqu’ils ne peuvent pas parcourir cette distance, ils en viennent à se priver », si bien que 57 % des jeunes issus des territoires très peu denses ont déjà renoncé à des activités culturelles, contre 40 % en milieu urbain.

Tous les domaines de la vie sont concernés par les problèmes de mobilité, au point que les auteurs évoquent un phénomène « d’assignation à résidence » qui rappelle la situation des jeunes de banlieue.

Alors que 77 % des jeunes ruraux souhaitent vivre un jour à l’étranger, seuls 13 % ont eu l’opportunité de le faire pendant plus de trois mois. « Le désir souvent inassouvi de mobilité, en France et à l’international, renforce le déterminisme territorial – qui peut lui-même être renforcé par des déterminismes sociaux et/ou de genre », observe l’étude.

Les effets de cet éloignement se manifestent également sur le marché du travail, 38 % des jeunes ruraux en recherche d’emploi ayant déjà renoncé à un entretien d’embauche faute de pouvoir se déplacer, contre 19 % des urbains.

Les jeunes ruraux sont victimes d’une forme d’« autocensure » qui les conduit souvent à revoir à la baisse leurs ambitions, ce qui « peut se traduire par un sentiment d’incompétence ou d’impuissance ». Or, la souffrance psychologique se révèle « particulièrement alarmante » chez eux : 76 % disent avoir connu des périodes intenses de « stress, de nervosité ou d’anxiété » et 35 % des pensées suicidaires.

Sur le plan politique, les entraves à la mobilité alimentent par ailleurs le vote Rassemblement national, notent les auteurs. Au premier tour de la présidentielle de 2022, 39,6 % des jeunes ruraux ont voté pour Marine Le Pen, plus du double que les jeunes urbains (18,1 %). « Plus le temps passé en voiture est long, plus le vote pour la candidate du RN croît », observent-ils.